Pensé devant le cloître de " Léhon " ( ruines du )
O nonnes à genoux , spectres des monastères ,
Moines , vrais immortels , forts entre les plus forts ,
Qui avez le mépris de votre faible corps ,
Et forgez votre espoir au souffle des prières ,
Spectres des monastères ,
Otages des vivants au royaume des morts .
Qui traînez la sandale au fond des sombres cloîtres ,
Qui dédaignez le monde , et la lutte , et l'amour ,
Que l'expiation absorbe sans retour ,
Vous , que l'ombre et la bure annulent sous leurs goîtres ,
Spectres errants des cloîtres ,
Vous seuls pertinemment savez user du jour .
Je crois vous voir passer près des grilles farouches ,
Le front grave et pensif , à pas lents et comptés
Dans un rayon d'extase à jamais emportés ,
Aux vieux marbres collant vos palissantes bouches ,
Silhouettes farouches ,
Exeùples de ferveur , d'amour et de piété .
Ai-je ce droit sacré de parler de votre âme ?
O martyrs ! ... moi , vrai fils de ces siècles repus
De luxure et de fange , et d'horreur , et de plus ,
Quand le vice en tous lieux est chose qu'on proclame ,
Moi , fils d'un monde infâme
Ai-je ce droit sacré de parler des vertus ?
O nature , pourquoi nous donnas-tu Sodome ?
Pourquoi l'homme n'est-il jamais qu'embryon d'homme ?
Eugène Lissillour . Vallée de Beauvais ( en Lanvallay ) 2 juin 1913