Naufrage du trois-mâts COUSINS RÉUNIS qualifié de " bateau douteux " , ou chronique d'une catastrophe annoncée ?
Construite en Nouvelle-Écosse ( Nova Scotia ) courant 1891 , la goélette de cabotage COUSINS RÉUNIS , jauge nette : 171 tonneaux , et jauge brute 222 tonneaux , a été acquise en 1898 par l'armateur bayonnais Louis Légasse né en 1870 à Bassussary ( 64 ) , pour son agence de SAINT-MALO .
Suivant les attendus du Jugement rendu le 20 novembre 1908 par le Tribunal Civil de Rennes le COUSINS RÉUNIS était habilité selon sa cote " G " pour le grand cabotage et non pour la traversée de l' Atlantique qui nécessite la cote " A " ( Code Maritime ) pas toujours respecté de certains armateurs .
- Qu'il ressort que Le trois-mâts a été caréné en 1902 et réparé la même année .
- Que le commandant Auguste Pierre RECULOUX atteste que les bateaux construits avec des bois inférieurs à ceux de nos navires , s'usent plus vite que ceux des chantiers Bretons et Normands ; que les réparations très importantes dont il a été l'objet à deux reprises différentes , dont l'une constituait , en quelque sorte une reconstruction , n'ont pu en changer la membrure , les liaisons ; qu'on a dû en effet , de toute nécessité , respecter le plan du navire , et que partant , il restait un bateau d'ailleurs bâtard , de deux constructions mêlées et dont les différentes parties , les reconstruites , les anciennes présentaient des résistances très différentes aux assauts de la mer .
A la lecture des attendus du Jugement déjà cité on découvre que la cote " G " du trois-mâts a été maintenue en 1904 .
- Que le COUSINS-RÉUNIS est parti de SAINT-SERVAN le 3 mars 1905 , avec : 90 passagers de cale , six dans le roof , six dans la chambre et un équipage de 30 hommes , au total 132 hommes .
Attendu qu'en même temps que lui trois goélettes effectuaient leur départ et que , depuis cette date , aucune nouvelle n'en est parvenue ; que partant les causes et circonstances du naufrage , absolument certain , sont restées complètement inconnues .
Le COUSINS-RÉUNIS qualifié de " bateau douteux " dans un article signé de l'écrivain Léon BERTHAUT , connu pour son livre " Fantôme de Terre Neuve " , Flammarion 1903 , et publié dans le journal bi-hebdomadaire " LE SALUT " de l' arrondissement de SAINT-MALO , par François BAZIN rédacteur en chef et directeur du journal , a valu à ces derniers une plainte en diffamation des propriétaires du navire naufragé .
A la lecture du Jugement rendu le 20 novembre 1908 par le Tribunal Civil de Rennes on apprend que l'armateur bayonnais Louis Légasse qui réclamait en premier lieu 20.000 francs de dommages et intérêts a non seulement été débouté mais a été condamné à verser 500 francs aux défendeurs .......
Bateau douteux ! A la lecture des attendus il apparait hélas bien tardivement que selon les témoignages recueillis et rappelés en audience le bateau qualifié de douteux n'aurait jamais du prendre la direction de Terre Neuve .
Pour leur défense les mis en cause ont soutenu énergiquement que en réalité le bateau construit pour le cabotage était douteux , en premier lieu , en raison de la longueur de la traversée , en second lieu , en raison de la saison ou il effectuait son parcours , et en raison , enfin et surtout , du grand nombre de passagers embarqués .
- Attendu quant au premier point que le COUSINS-RÉUNIS était uniquement coté pour le grand cabotage , que la lettre G le démontre ...........
Parmi les témoignages figurant dans les attendus , j'ai relevé celui de capitaine de vaisseau Adolphe François MATHIEU : " Le départ du trois-mâts COUSINS-RÉUNIS , en mars , pour se rendre de Saint-Malo à Terre-Neuve , est une manoeuvre hardie , que beaucoup de marins qualifieraient d'imprudente et de présomptueuse .... "
Le commandant Auguste Pierre RECULOUX : " navire impropre à la traversée de l'Atlantique , surtout en ce moment ..... "
L' Amiral Amédée BIENAIMÉ : " taxe ce voyage de folie criminelle . "
Pierre LOTI , célèbre écrivain , auteur de " Pêcheur d' Islande " en 1886 , qui n'est autre que le capitaine de vaisseau Julien VIAUD : " qualifie de crime inconscient l'embarquement de 132 hommmes sur un bateau de 222 tonneaux de jauge brute . "
M. LETESTU , ancien pilote de Saint-Servan , dit du COUSINS-RÉUNIS : << C'est une gourde de bateau qui gouvernait mal et dont le pont était encombré ; si j'avais eu un chien je ne l'aurais pas foutu à bord . >>
M. Théodore CLÉMENT de Saint-Servan qui a vécu à SAINT-PIERRE , affirme qu'antérieurement à 1905 , il a eu connaissance d'une relâche du COUSINS- RÉUNIS et de son abatage sur une cale de rabout et qu'il a ouï dire à cette époque que l'abatage était dû à une voie d'eau .
Il atteste également qu'à la fin d'avril 1905 , alors qu'il manifestait son inquiétude sur le sort du COUSINS-RÉUNIS , un charpentier nommé OLANO , lui aurait dit : " Vous ne reverrez pas le COUSINS-RÉUNIS , c'est un bateau qui ne tenait ni à clous , ni à à chevilles , et il est bien perdu . "
Propos approuvés et confirmés par d'autres ouvriers calfats et charpentiers .
Intéressés par le naufrage hélas bien prévisible de la goélette COUSINS-RÉUNIS , prenez connaissance de l'intégralité du texte en vous rendant sur le site GALLICA de la BNF : La Gazette du Palais . 1909 . Pages 124 , 125 , 126 , 127 : Tribunal Civil de RENNES ( 2e Ch ) 20 novembre 1908 . Présidence de M. JENVRIN .